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Atelier GRESP: les jeunes féministes africaines ouvrent la voie vers l’égalité de genre dans l’éducation

  • 18 Oct 2021
  • 21 min

"Mon père n'était pas comme les autres hommes. Il a appris à ses filles à rêver, et à rêver grand !" Il y a une étincelle dans les yeux d'Edouine, lorsqu'elle raconte comment son père l'a stimulée tout au long de son parcours scolaire, lui insufflant l'idée que l'éducation est la clé de tout dans la vie. Edouine est l'une des jeunes féministes qui participent à l'atelier GRESP, organisé à Dakar (Sénégal), du 27 au 30 septembre 2021.  

Lors de ce tout premier atelier en présentiel sur la Planification Sectorielle de l'Education Sensible au Genre (GRESP) depuis l'épidémie du Covid-19, l'UNGEI et ses partenaires UNICEF, ANCEFA, FAWE et Gender@Work ont uni leurs forces pour faire avancer l'égalité de genre dans et par l'éducation. Facilité par FAWE et ANCEFA, l'atelier a réuni des acteurs de la société civile de FAWE, ANCEFA et Plan International, venant de 11 pays francophones d'Afrique de l'Ouest et du Centre. Lié à l'Initiative Priorité à l'Egalité (GCI), il visait à renforcer la capacité de la société civile à soutenir les gouvernements dans la mise en place de systèmes éducatifs réellement sensibles au genre. La participation active de jeunes féministes à l'atelier témoigne de l'engagement des organisateurs en faveur du dialogue intergénérationnel et de l'amplification de la voix des jeunes. Tout au long de l'atelier, ces jeunes militantes ont partagé leurs histoires personnelles et leurs engagements, ainsi que leur vision sur la manière d'offrir à toutes les filles et à tous les garçons des chances égales d'apprendre.  

Alima Dramé, secrétaire permanente de AFRIYA (African Youth and Adolescent Network), Senegal  

Qu’est-ce qui t’a aidé à compléter ton éducation ?  Alima

J’ai été élevée par ma mère. Elle prêtait beaucoup d’importance à mon éducation. Elle-même avait abandonné l’école. Elle ne voulait pas que ses enfants commettent la même erreur. A l’âge de 9 ans je voulais arrêter l’école, car je me disais que je n’étais pas assez intelligente pour apprendre les leçons et les réciter. En fait je craignais les punitions corporelles. Je voyais des enfants qui étaient frappés quand ils ne savaient pas réciter leurs leçons, et je ne voulais pas vivre la même chose. Mais ma mère m’a motivé à continuer.  

Qu’est-ce qui a inspiré ton activisme ?  

Quand j’avais 14 ans, j’ai intégré le club santé de mon école. Dans ce club on parlait de la santé reproductive, la puberté, etc. Je comprenais qu’on pouvait changer les choses en étant informé et en passant cette information aux autres. Dans ma localité il y avait beaucoup d’enfants qui n’avaient pas accès à une éducation de qualité. Donc j’ai intégré une association de jeunes dans mon quartier dans laquelle je suis membre fondateur où on parlait d’éducation et d’emploi des jeunes. Mon engagement est inspiré par l’idée que les filles et les garçons, les femmes et les hommes doivent avoir les mêmes opportunités d’éducation et d’emploi. On ne peut pas négliger le potentiel de la moitié de la population !  

Si tu étais Ministre de l’Education, quelle serait la première chose que tu ferais pour améliorer l’égalité de genre en éducation ?  

J’enlèverais les frais liés à l’éducation. On parle de gratuité de l’éducation mais en réalité ce n’est pas gratuit, car il y a beaucoup de choses que les parents doivent payer. Et si les parents ne peuvent pas payer tous ces frais pour tous leurs enfants, ils prioriseront les garçons. Car ils se disent que ce seront les garçons qui doivent chercher un emploi plus tard.  

Comment peut-on changer ses attitudes qui priorisent les garçons pour l’éducation ?  

Cela doit commencer par nous-mêmes. Nous qui sommes acteurs de la société civile, nous devons apprendre des nouvelles idées à nos petites nièces, aux parents, … On doit leur montrer que les filles peuvent aller à l’école et avoir un emploi, que les garçons peuvent aussi aider dans les tâches ménagères. C’est comme cela que le monde va changer !  

Pourquoi les jeunes doivent être impliqués dans la lutte pour l’égalité de genre en éducation ?  

Comme l’adage le dit : « on ne peut pas raser la tête d’une personne en son absence ». On ne peut pas traiter les problèmes d’une personne sans que la personne ne soit là. La jeunesse est beaucoup plus légitime à se représenter elle-même que ses porte-paroles. Il faut qu’on soit dans les instances de prise de décision, pour que les politiques puissent prendre en charge nos besoins.  

Qui a été ton modèle ?  

Ma mère. Elle a toujours été une battante et elle l’est toujours. Elle est une personne indépendante et très courageuse. Elle nous a toujours donné une bonne éducation. Je lui suis très reconnaissante. Mais j’ai aussi eu des hommes comme modèle. Tout au long de mon activisme dans la société civile, j’ai été accompagné par des hommes qui m’ont soutenu et formé.  

Prescillia Essongue, FAWE alumni, Gabon 

Peux-tu nous raconter ton parcours ?  Prescillia

J’ai grandi dans une famille monoparentale avec plusieurs frères et sœurs. On disait toujours à mes frères : « Tu dois aller à l’école, car un jour il faut que tu trouves un travail. Ta sœur elle n’a pas besoin, car elle trouvera un mari. » A l’âge de 16 ans on me disait que dès lors j’étais devenue une femme et je devais prendre soin de moi. Au Gabon c’est une manière cachée de dire aux filles qu’elles doivent chercher un homme pour prendre soin d’elle et parfois même devenir une source de revenus pour la famille. En grandissant, j’ai malheureusement fini par appliquer ces idées à ma vie. Je suis tombé enceinte et cela a perturbé la poursuite de mes études universitaires. 

Qu’est-ce qui a inspiré ton activisme ?  

Quand je me suis rendu compte que j’avais inconsciemment reproduit le modèle sociétal qui était attendu de moi, j’ai décidé de m’engager dans la société civile. J’ai commencé à travailler dans les communautés, car je savais que c’est là qu’il faut changer les choses. Il faut changer ces idées stéréotypées d’une grande partie de la société gabonaise sur la jeune fille.  

Si tu étais Ministre de l’Education, quelle serait la première chose que tu ferais pour améliorer l’égalité de genre en éducation ?  

Je ferais en sorte que les filles peuvent suivre les STEM au même niveau que les garçons. Dans notre système éducatif ce sont les enseignants qui décident si un élève est orienté vers les sciences, ou plutôt vers la littérature. Beaucoup de filles qui veulent avoir des bonnes notes pour pouvoir évoluer vers les sciences, s’engagent dans des relations sexuelles avec les enseignants pour influencer leurs notes. En tant que Ministre, j’encouragerais l’orientation basée sur le résultat du dialogue entre l’élève, les parents et le corps enseignant et pas simplement sur les notes. Ainsi, l’élève pourra décider de lui-même si elle ou il veut suivre les sciences ou la littérature. Cela doit dépendre de la passion de l’enfant, pas du choix des enseignants.  

Pourquoi les jeunes doivent être impliqués dans la lutte pour l’égalité de genre en éducation ?  

On peut développer toutes les stratégies et les politiques du monde pour promouvoir l’éducation des filles, mais si on n’écoute pas les vraies histoires des jeunes filles, on n’y comprendra rien. Les jeunes peuvent montrer l’aspect émotionnel de leur vécu. Il faut savoir regarder la problématique à travers les yeux des jeunes pour vraiment comprendre le cœur du problème. Sinon on va développer des stratégies qui passent à côté du vrai problème.  

Qui a été ton modèle ?  

Ma mère. Elle est mon exemple, car elle a su développer sa carrière à partir de rien. Elle était femme de ménage dans une société, et par sa proactivité et sa curiosité elle a su se dépasser pour être à un poste de direction. Elle est vraiment un modèle de réussite pour moi.  

Edouine Kirere, GIMAC Youth Network, DRC 

Qu’est-ce qui t’a aidé à compléter ton éducation ?  Edouine

C’est mon père. Quand on était petit, il nous demandait toujours : « C’est quoi ton rêve ? Qu’est-ce que tu veux devenir ? » Il nous faisait savoir que la clé de tout dans la vie était l’éducation. Il avait mis comme règle que nous devions d’abord avoir une licence avant de pouvoir se marier. Son adage était : « un bon enfant fait le double des études de son père ».  

Qu’est-ce qui a inspiré ton activisme ?  

J’ai vu énormément de filles de mon âge abandonner l’école à cause des grossesses et du mariage, à cause des violences sexuelles aussi. Je voyais tant de filles qui n’avaient pas de rêves, ou tout au moins leur seul rêve était de se marier. Cela a éveillé un engagement en moi. Je me disais que ce n’est pas juste que les femmes doivent rencontrer tant d’obstacles dans leur vie, juste parce qu’elles sont nées femmes.  

Si tu étais Ministre de l’Education, quelle serait la première chose que tu ferais pour améliorer l’égalité de genre en éducation ?  

J’investirais dans l’éducation de la petite enfance, car c’est là qu’on a le plus grand impact dans la vie d’un enfant. Moi je me rappelle toujours les choses que ma maîtresse de maternelle m’a apprise. C’est à cet âge-là que les enfants doivent apprendre à rêver, à comprendre qu’ils peuvent devenir quelqu’un.  

Pourquoi les jeunes doivent être impliqués dans la lutte pour l’égalité de genre en éducation ?  

Les jeunes ont d’autres points de vue et d’autres domaines d’intérêt que les gens plus âgés. Il faut savoir écouter ces points de vue. Beaucoup de jeunes perdent leur motivation pour l’école, parce que les contenus ne sont pas adaptés à ce qui les intéresse.  

Qui a été ton modèle ?  

Ma mère. Elle est très dynamique et elle a toujours travaillé en dehors de la maison. Je savais donc qu’il y avait d’autres options pour une femme que de s’occuper du ménage. Elle était mon exemple.  

 

Qu'il s'agisse de grossesses précoces, de mariages d'enfants, d'obstacles financiers ou de croyances profondément ancrées sur le rôle des filles dans la société, ces histoires montrent les obstacles importants auxquels les filles continuent de se heurter lorsqu'elles tentent de compléter une éducation de qualité. En Afrique de l'Ouest et du Centre notamment, les défis à relever pour que les femmes et les filles parviennent à l'égalité de genre restent considérables. Mais ces jeunes féministes racontent aussi une histoire d'espoir. Elles citent les modèles qui les ont incitées à ne jamais abandonner. Elles partagent des idées sur la manière dont le système éducatif peut s'attaquer à ces obstacles. Et surtout, elles font preuve d'un engagement inspirant pour aider d'autres filles et garçons à poursuivre leurs rêves et à atteindre leur plein potentiel !